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Un retour à un équilibre normal entre pétitionnaire et service instructeur

  • Photo du rédacteur: Camille Manya
    Camille Manya
  • 27 juin
  • 4 min de lecture

Commentaire rédigé par Monsieur Alexandre FOURTEAU Juriste en alternance Master 2 Droit et contentieux publics et Maître Chloé PION RICCIO Avocate associée


Depuis longtemps il est reconnu la faculté pour l’administration d’assortir la délivrance d’une autorisation d’urbanisme de prescriptions spéciales. Étant entendu que ces prescriptions ne peuvent être telles qu’elles nécessitent la présentation d’un nouveau projet (CE, 7 novembre 1973, Giudicelli, n° 85237).


Depuis 2019, le Conseil d’État considérait qu’une autorisation d’urbanisme ne pouvait être refusée s’il était possible d’autoriser le projet en l’assortissant de prescriptions spéciales remédiant à certains détails du projet (CE, 26 juin 2019, Deville, n°412429).


Il incombait donc à l’autorité administrative de vérifier si elle ne devait pas autoriser un projet au prix d’une rectification par le pétitionnaire de certains détails.


En cela, il avait été procédé à une atteinte à l’équilibre des obligations réparties entre le service instructeur et le pétitionnaire…


En principe, en matière d’autorisation d’urbanisme, c’est au pétitionnaire de présenter au service instructeur un projet conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. De son côté, l’administration ne doit que vérifier la conformité du projet aux règles d’urbanisme. En aucun cas elle n’est censée être un « acompagnateur » du projet.


L’arrêt avait pour effet — même si c’était de manière minime, reconnaissons-le — d’obliger l’autorité administrative à rendre un projet conforme à la législation en vigueur, alors que la « responsabilité de déposer une demande portant sur un projet conforme à la réglementation pèse avant tout sur le pétitionnaire » (P.SOLER-COUTAU, « L’autorité administrative ne peut refuser une autorisation d’urbanisme en raison de l’existence d’un risque qu’en l’absence de prescriptions adéquates », RDI, 2019, p.475).


Certes, il n’était pas question pour l’administration d’« imaginer à la place du pétitionnaire un projet différent » (Conclusions du rapporteur public Stéphane HOYNCK sur l’arrêt du 4 août 2021, n°433761).


Une telle solution mettait fin au débat quant à un potentiel risque d’arbitraire dans le choix d’assortir ou non une décision de prescriptions. En cela, elle prévenait « une inégalité de traitement entre les administrés » (Conclusions de Victor POUGET-VITALE, rapporteur public, sur la décision du Tribunal administratif de Strasbourg du 22 février 2024, n°2302966). Elle permettait de « simplifier le parcours administratif pour le pétitionnaire en évitant les annulations vénielles » (Ibid).


Mais malgré ces vertus évidentes, l’arrêt Deville n’a pas subsisté.


Saisi par le tribunal administratif de Toulon, la haute juridiction administrative a mis à jour sa jurisprudence par un avis contentieux en date du 11 avril 2025 (CE, Avis, 11 avril 2025, Société AEI Promotion,n°498803).


La question posée par la juridiction toulonnaise était la suivante : Un pétitionnaire peut-il se prévaloir devant le juge que l’administration aurait pu ou aurait dû lui délivrer une autorisation en l’assortissant de prescriptions ?


D’abord, le Conseil d’État répond en rappelant qu’il appartient à l’autorité administrative compétente, en vertu des articles L.421-1, L.421-6 et L.421-7 du Code de l’urbanisme, de s’assurer de la conformité des projets aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et de n’autoriser que les projets qui y sont conformes.


Ensuite, il indique que le pétitionnaire peut, en vertu de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme, apporter, avant la phase d’instruction de sa demande, des modifications qui ne sont pas de nature à changer la nature du projet.


Il ajoute que l’autorité administrative dispose de la faculté d’accorder le permis de construire ou une déclaration préalable sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales. Toutefois le Conseil d’État, tout en rappelant cette faculté, précise les choses en disant que l’administration n’y ait jamais tenue.  


En bref, la délivrance d’une autorisation assortie de prescriptions spéciales n’est qu’une faculté, pas une obligation.


Si cette décision a le désavantage de supprimer un argument contentieux au profit des pétitionnaires, elle présente à l’inverse l’avantage de rééquilibrer les obligations partagées entre les services instructeurs et le pétitionnaire, en ce que l’administration ne sera plus astreinte à venir au soutien du premier.


Par ailleurs, il est à noter que cet arrêt ne remet pas en cause la faculté des autorités à délivrer des permis sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales. Il paraît plutôt vouloir endiguer une potentielle généralisation de l’obligation d’assortir un refus de prescriptions spéciales, qui ferait peser sur les services d’urbanisme une charge déraisonnable.

En tout état de cause, le pétitionnaire ne reste pas impuissant face aux illégalités vénielles qui pourraient motiver le refus de délivrance d’une autorisation d’urbanisme. Rappelons que les règles en matière de contentieux d’urbanisme sont plutôt favorables envers le pétitionnaire, qui peut, jusqu’à la phase contentieuse, procéder à la régularisation de son projet (article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme) ou solliciter la délivrance d’un permis modificatif permettant d’apporter des modifications qui ne bouleverseraient pas la nature du projet (CE, 11 mars 2024, n°463413).

D’où il suit que le pétitionnaire d’une autorisation d’urbanisme n’est pas rendu impuissant face à une illégalité vénielle. À charge pour lui désormais d’y remédier par ses propres moyens…

 
 
 

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